REINE-MÈRE

L’histoire de l’œuvre

Après L’Alouette au miroir (1955), La Mandarine (1957) et Les Sultans (1966), ce roman raconte à nouveau Paris avec quelques pages sur Bordeaux, annonciatrices de Racontez-moi les Flamboyants (1995). Christine de Rivoyre explique qu’elle vit dans les Landes depuis une dizaine d’années et qu’elle ne dispose plus à Paris que d’un petit pied-à-terre provisoire. L’on se souvient, en effet, que dans les années 70, alors qu’elle était devenue une figure incontournable de la vie parisienne, elle avait fait le choix de quitter la capitale pour s’installer dans les Landes. « Rien ne me retenait à Paris assez solidement, à part Paris. » Ce retour dans les Landes avait inspiré son précédent livre Belle alliance (1982).
Après quelques années dans son « désert élu », Paris refait surface. La romancière avait en tête d’écrire un thriller. Elle s’est alors souvenue d’une histoire d’agression physique que lui avait raconté une de ses amies et en fait le point de départ du livre. A partir de ce fait divers, Reine-mère devient un chronique sociale, familiale, une promenade dans Paris.

Au fil du texte

Reine est une femme seule, divorcée, qui vit à Paris dans le 6ème arrondissement, avec un drôle de chien surnommé l’Oiseau.  C’est une mère épanouie, sereine qui voit chaque semaine débouler ses trois enfants qui l’ont rebaptisée « Reine-mère ». Un fils, père moderne qui porte son petit comme une maman Kangourou, tandis que sa compagne, une prof intello, a un net penchant pour la tequila. Deux filles, l’aînée flanquée d’un mari qui s’écoute parler avec ravissement, la cadette, danseuse qui adore les animaux et sa mère. Un matin, à l’aube, l’Oiseau exige une promenade. Reine cède et enfile un imperméable sur sa chemise de nuit. Les voici arpentant tous deux des trottoirs familiers. Soudain surgit un petit loubard, décharné, hâve. Il la bat, elle se défend, rend les coups et sort gagnante du combat. Ses enfants apprenant l’incident accourent auprès d’elle. Cette agression va agir comme un catalyseur des tensions au sein de cette famille, à peine moins farfelue que celle de La Mandarine. Chacun aura droit à son lot de violence…

Réception

Le roman fut très bien accueilli à sa sortie. Pour la première fois, l’on souligna que son talent rappelait celui des romancières anglo-saxonnnes, tout en nuances, pudeur de l’humour et sensibilité subtile. « C’est notre Anglaise, dame Rivoyre ! et gaie, et surtout si lucide, elle nous trace une galerie de « jeunes », de branchés où elle brasse tout ce qu’elle aime le plus au monde : les animaux, les mioches, les perdus, les sans-race, et les humains, mais, de préférence, à condition qu’ils ne sortent pas de l’ENA et qu’ils aient un sacré grain dans le carafon ! Et que surtout, surtout, ils pratiquent comme un culte le regard posé sur l’autre » avait écrit Françoise Xénakis dans Le Matin des Livres.

Anecdote

Le surnom de l’héroïne, « Reine-Mère », pourrait avoir été inspirée à la romancière par la pianiste Reine Ginaoli, dont on parlait beaucoup à l’époque où Christine de Rivoyre était journaliste au Monde. Elle trouvait que ce prénom, peu courant, était drôle et pouvait correspondre à une personnalité simple et directe.

Extrait

« D’habitude, le vendredi, elle faisait son marché rue de Buci…. Le spectacle lui plaisait. Reine était une spectatrice née, facilement séduite, patiente, concentrée, avide d’images plutôt que des choses qu’elles représentaient, dégustant les couleurs des légumes, les odeurs des fruits, la géométrie des étals avec plus de plaisir que, par la suite, les plats qu’elle mitonnait. Rue de Buci mais aussi rue de Seine, rue Grégoire-de-Tours, rue Dauphine et rue de l’Ancienne-Comédie, on la connaissait bien, on avait de la sympathie pour cette grande femme affable aussi simplement habillée que les commerçants du marché, pantalons en toutes saisons, l’hiver de grosses vestes en laine….on se souvenait de son arrivée dans le quartier quelque quinze ans plus tôt. »