BOY

L’histoire de l’œuvre

Dans les années 70, Christine de Rivoyre est sur le point de s’installer dans les Landes. Elle y vient de plus en plus souvent et, avant de s’installer définitivement dans la maison de sa mère, elle loue à une cousine une petite métairie en pleine forêt. C’est là qu’elle commence à écrire Boy. Elle dira qu’elle avait envie d’écrire une manière d’ « éducation sentimentale ». Elle ne voyait qu’une saison : l’été et un seul décor : la plage de son enfance, Hendaye dans le pays basque où ses grands parents landais louèrent une villa plusieurs années de suite. Si l’histoire ne se déroule pas précisément dans les Landes, le livre fait tout de même partie du cycle landais de l’œuvre. Elle avait déjà renoué avec son pays en écrivant Le Petit matin (1968) mais, dit-elle  « c’était les Landes de l’occupation ». La guerre est un sujet qui l’a « rongée » toute sa vie et revient à temps régulier dans son œuvre. Boy se situe ainsi dans l’immédiat avant guerre, deux ans avant la mobilisation de 39 durant la guerre civile espagnole. Christine de Rivoyre s’est beaucoup documentée sur l’époque et a consulté de nombreuses archives. Le décor posé, elle a eu envie de retrouver les scènes de son enfance onessoise. Elle est allée rendre visite chaque jour à sa chère Marie Lacoste, entrée au service de son arrière grand-mère à l’âge de 12 ans et qui connaissait toutes les histoires de sa famille. « Quand j’ai pensé à Boy, je suis allée parler avec elle ». Le troisième regard du livre, c’est d’ailleurs celui de Maria Sentucq, la cuisinière, alias Marie Lacoste, à qui le livre est dédié. Comme toujours chez la romancière, les souvenirs ont afflué, des instants de plaisir pur évoqués sur la plage d’Hendaye, « des scènes qui la font rire… ou pleurer ». Boy n’est pas toujours un chant à la douceur de vivre d’une époque, explique t-elle : « j’étais une petite fille plus attentive qu’insouciante, fort heureuse de vivre mais aussi facilement blessée. Boy est avant tout la mise en lumière de ces blessures. »  Comme Nina sa précédente héroïne du Petit matin, l’une des deux voix du roman, la jeune Hildegarde Bertaud-Barège est en révolte contre la société, contre sa famille. Elle s’élève contre les rites et les conventions d’une classe qui refuse de croire aux bouleversements qui suivront la guerre. Cette révolte se retrouve dans la description sans concessions du sort des « domestiques » avant la guerre : « La douceur de vivre n’existait pas à tous les étages de la villa. »

Le fil de l’histoire

Boy se déroule en juillet 37 à Hendaye, dans une villa du bord de mer, au sein d’une famille bordelaise à deux pas des combats qui battent leur plein de l’autre côté de la frontière. Boy, jeune homme de 26 ans, de retour d’Amérique, est doté de toutes les séductions et exerce sur sa famille et sur toute la maisonnée une fascination irrésistible. Son retour nous est conté par sa nièce Hildegarde, une enfant de 12 ans pour qui il est un dieu et par Suzon, la jolie femme de chambre de la famille qui en est amoureuse. Mais Hildegarde devine les ombres noires qui planent autour de cet oncle trop choyé, fragile…

 

 Réception

 Le roman connut un succès retentissant et suscite toujours autant d’émotion aujourd’hui auprès de ses lecteurs. La critique a salué, à l’époque, la prouesse du livre : un récit à deux voix, à deux cœurs. Deux cœurs qui battent à l’unisson mais dans des lieux différents. « Hildgegarde et Suzon nous font pénétrer dans deux sociétés, celle du salon et celle de l’office » écrivait Robert Kanters à la sortie de l’ouvrage.

« L’art d’entremêler les destins, celui de la petite fille de bonne famille, Hildgegarde, qui refuse ce prénom rude, celui de Suzon, deuxième femme de chambre, qui n’est, elle, que de bonne volonté. Comment parvient-on à conjuguer, en échos consonants et dissonants, si joliment des monologues intérieurs, deux langages, celui d’une élève du Sacré-Cœur, celui d’une landaise de vingt-cinq ans, native de Bourlosse, « bien dressée », avec ses idiotismes savoureux : « breuge », « capihole », « pleuyetayer » ? Maria Sentucq, l’autre servante, a sa place dans les Lettres, au côté de la Félicité de Flaubert. », écrit Jean-Marie Planes, en 2018,  dans son article-hommage à l’occasion de la sortie du premier Cahier Christine de Rivoyre : Un coup de foudre : Boy (Publication de l’Association « Les Amis de Christine de Rivoyre »).

On a également salué la façon dont la jeune Hildegarde joue avec les mots savourant avec une gourmandise à la Colette ceux qui « sonnent dorés », comme « jubiler », « aventurine », ou « stratosphère ».

Le livre a reçu le Grand prix littéraire de la ville de Bordeaux dès sa sortie. Et son auteure a fait l’ouverture de la première émission de Bernard Pivot « Ouvrez les Guillemets » en 1973.

Il a été question maintes fois d’adapter Boy pour le cinéma, Joseph Losey avait approché la romancière. Cinq ans après la sortie du livre, une très belle lecture de Boy par la comédienne Bulle Ogier avait été réalisée  par le cinéaste Marc Chevillot pour France 3 Aquitaine.

Le livre a l’occasion de sa réédition en 2003 dans la collection des « Cahiers rouges » de Grasset,  a suscité à nouveau de nombreux éloges de la part des critiques littéraires actuels (Jérôme Garcin dans L’Obs, Stéphane Hoffmann dans le Figaro, Olivier Mony dans Sud-Ouest etc).  De jeunes consoeurs ont loué le style du roman et écrit combien  il avait eu une influence sur leur écriture (Emmanuelle Bayamack-Tam avait confié à Christine de Rivoyre s’être inspirée d’Hildegarde pour son personnage de Kimberley dans Si tout n’a pas péri avec mon innocence, P.O.L, 2013.)

 

Extrait

 « Je me suis retrouvée sur la plage d’Hendaye dans mon maillot rose, la fleur jaune sur le cœur, le poisson jaune sur la cuisse. La marée était basse, le sable était tout neuf, pur, j’aime la pureté, le mot et ce que ça veut dire, j’ai couru jusqu’à la mer et Oncle Boy courait à côté de moi, il portait une slip de bain en laine bleu marine, sa peau est aussi brune que la mienne, il a dû se baigner là-bas en Amérique, il y a de grandes plages près de Boston et des îles, l’île de Nantucket, quel joli nom, il y est allé, il me l’a écrit et il est allé sur des plages au bord du Pacifique….

Nous sommes heureux, heureux, heureux.

Et voilà, c’est étrange, j’étais en train de crier ça, nous sommes heureux, quand tout d’un coup, comme une lame de couteau, mon âme est revenue dans mon corps et elle m’a prévenue : quelque chose se mettait en route, du noir, des ombres, une menace… »

 

Extrait audio