TÉMOIGNAGES

Claude Arnaud

Christine de Rivoyre n’est pas un écrivain de cabinet. La nature l’inspire avant la société. Quand d’autres s’abonnaient à La Nouvelle Revue Française, elle recueillait des chiens et des oiseaux, protégeait des chevreuils et des lièvres : la création s’écrit avec une majuscule aussi bien qu’avec une minuscule. Préférant les pur-sang aux chats de salon, elle se reconnaît dans les Mustang et les Przewalski qui échappèrent à l’emprise de l’homme et « qui ont l’allure nonchalante des êtres sûrs de leur beauté », qu’elle évoque dans Le petit matin. C’est la singularité qui l’émeut chez les hommes, plus que chez les bêtes : elle aime les irréguliers qui délaissent la harde pour bondir à l’écart, au risque de tomber dans un fossé. Qui se détournent de leur être réflexe pour s’aventurer loin de toutes références connues, en Inde ou dans le Nouveau-Monde. Qui bouleversent leur vie pour découvrir, en eux, cet autre que nous couvons tous, mais que nous craignons souvent de laisser vivre. »

Jérôme Garcin

« Christine de Rivoyre n’a pas son pareil pour décrire un cheval qui encense, fait des écarts ou déguste des chatons de noisetier, et dont la robe baie « semble taillée dans un bois très rare », mais aussi pour traduire le parfum des tilleuls, la sveltesse des érables, le piquant des araucarias, la grosse tête perdurable des pins, et, dans la futaie à claire-voie, le petit matin blanc, « d’un blanc bleuté de buvard ». Tous les livres de Christine de Rivoyre sont de terribles courroux tempérés par la beauté du monde. »

Stéphane Hoffmann

« C’est donc en cachette que je lis alors les romans de Christine de Rivoyre. En douce, plutôt. Chaque fois, je prends comme une leçon de liberté, de panache, de courage. Pas un sermon, un exemple. Ces livres me dopent et me font rire. Ce sont des livres de consolation autant que d’ivresse. Des livres toujours à portée de main lorsqu’on doit monter au dortoir. Des livres pour prendre la tangente et filer droit vers des lieux où l’on respire mieux. Tel est le pacte que j’ai, depuis bientôt cinquante ans, avec les livres de Christine de Rivoyre. Ils rendent la vie plus intense, plus libre et plus gaie ; et ils savent, comme Saïd, le seigneur des chevaux, me faire passer tous les obstacles. »

Alain Juppé

Le roman de Christine de Rivoyre que j’ai le plus aimé : Boy. Isabelle me surprend : elle a tout en tête, les personnages, Suzon et Hildegarde, les lieux, Hendaye et le Pays basque plus que Bordeaux, et bien sûr Boy dont le seul nom fait renaître l’idée de beauté, de jeunesse, d’amour.

Ma mémoire littéraire est moins bonne. Je cherche le livre dans ma bibliothèque qui est dans un tel désordre que je fais chou blanc. Heureusement, tout près de la maison, il y a Mollat. La librairie n’hésite pas un instant et me rapporte l’édition des « Cahiers rouges », chez Grasset, avec la même couverture, rouge bien sûr, et les yeux de Christine de Rivoyre dont le regard crée tout de suite une forme d’intimité.

Je relis Boy d’une traite. J’y retrouve la même impression de légèreté, de bonheur malgré le drame, qu’à ma première lecture, lors de sa parution… en 1973. Fichtre ! Plus de quarante ans, et pas une ride. »

Félicien Marceau

« Romancière, elle peut se mettre dans la peau de bien des personnages. Je doute qu’elle puisse jamais peindre l’indifférence, tant ce sentiment lui est étranger. C’est aussi parce qu’elle a en elle cette puissance sauvage : le naturel. Foin des modes, des conformismes et de leur petit frère déguisé, le paradoxe. Quand Christine de Rivoyre aime quelque chose, c’est qu’elle a envie de l’aimer. Et, comme elle a l’instinct droit, elle tombe juste. »

Jacqueline Piatier

« Christine de Rivoyre, dans notre littérature, c’est un ton, un tempérament, une manière d’être face à la vie, et c’est surtout un style. Drôlerie d’écorchée, tendresse rageuse et des brassées d’images pleines d’inattendu, de saveur, de parfum jetées dans un récit tout en nerf et en mouvement. »

Bernard Pivot

« Le 2 avril 1973 est une grande date dans ma vie professionnelle. C’était le jour de ma première émission littéraire (Ouvrez les guillemets, sur la première chaîne, à 21 h. 30). Et j’ai toujours pensé que la présence, ce soir-là, de Christine de Rivoyre parmi mes premiers invités, avait été un signe de chance. J’appréciais la vivacité de son esprit, la lumineuse agilité de son regard et surtout cette manière si originale qu’elle avait de raconter avec une énergie généreuse et malicieuse des histoires, souvent cruelles, de jeunesse, d’amour ou de famille. Elle venait de publier Boy, l’un de ses meilleurs romans. Ce fut un des plus jolis succès de Christine de Rivoyre. Sa filiation avec Colette m’était-elle déjà apparue ? Je le crois, mais sans en être sûr. Dieu sait que les Landes ne ressemblent pas à la Puisaye ! Mais l’œil, la curiosité, la gourmandise, la sensualité des deux écrivains dépassent le cadre de leurs régions. C’est dans leur utilisation des mots qu’il faut chercher la parentèle. »

Jean-Marie Planes

« On a beaucoup parlé, à propos de Christine de Rivoyre, de Colette, qu’elle vénère. Christine de Rivoyre, Colette des Landes ? La comparaison n’a rien d’inexact. Une complicité d’instinct, une communion avec les arbres, les plantes, les animaux (les chevaux, bien sûr les chevaux), cette sensibilité accordée aux caprices atmosphériques, aux vagues de la mer. Il y a la présence du corps, le grain d’une peau, celui d’une voix, la douceur des caresses, le grisant enveloppement de la nage et du bain. »

Bernard Privat

« On ne saurait mieux la comparer qu’à un atome : le maximum de puissance dans le minimum de place. Un atome blond, aux yeux sombres, qui explose de vivacité, de rire, parfois de colère, toujours d’intelligence. C’est une femme libre, qui se moque de tous les qu’en dira-t-on, notamment des siens, qui cache ses angoisses sous des airs désinvoltes et des pages rieuses, qui voyage, qui bouge, qui danse, qui marche, moins pour aller de l’avant que pour ne jamais rester à la même place. C’est une inquiète qui a beaucoup écrit sur l’inquiétude, même si cela ne se voit pas d’emblée, dans ses livres, où, là encore, elle donne souvent le change par des pirouettes de style sur les chemins de traverse de l’imagination et les sentiers landais de sa mémoire. »